Contre des bandes criminelles qui sèment le chaos à Haïti, le Conseil de sécurité de l’ONU a imposé vendredi une batterie de sanctions, une première ré-implication internationale dans ce pays en crise aiguë avant l’envoi possible d’une force armée.
Le Conseil de sécurité débattait depuis des semaines de deux projets de résolutions sur Haïti, aux prises avec une “situation absolument dramatique (…) et cauchemardesque” selon les mots lundi du secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres.
Un premier texte, préparé par les Etats-Unis et le Mexique, a été voté vendredi matin à New York à l’unanimité par les 15 membres du Conseil, dont la Chine et la Russie.
La résolution prend pour cible les gangs qui mettent ce pays pauvre des Caraïbes en coupes réglées et “exige une cessation immédiate de la violence, des activités criminelles et des atteintes aux droits humains”.
Le texte prévoit la mise en place d’un régime de sanctions (interdiction de voyage, gel des avoirs, embargo ciblé sur les armes) contre ces bandes armées et leurs meneurs, accusés de “saper la paix, la stabilité et la sécurité d’Haïti et de la région”.
Violences sexuelles et enrôlement d’enfants
La résolution dénonce “des enlèvements, violences sexuelles, traite d’êtres humains, homicides, meurtres extrajudiciaires, enrôlement d’enfants dans des groupes armés et réseaux criminels”.
Reste que le seul dirigeant d’une bande criminelle mentionnée est Jimmy Cherizier, surnommé “Barbecue”, “l’un des chefs de gangs les plus influents, qui dirige une alliance de bandes haïtiennes surnommée +la famille G9+ et ses alliés”.
M. Cherizier bloque le terminal pétrolier de Varreux et ses actions “ont directement contribué à la paralysie économique et à la crise humanitaire en Haïti”, selon l’ONU.
Co-auteurs du texte, les Etats-Unis, qui se sont souvent impliqués dans des crises historiques chez leur petit voisin francophone des Caraïbes, se sont félicités de ce “pas important pour aider la population haïtienne à ce moment critique” grâce à un “vote rapide et unanime” du Conseil de sécurité pour “imposer des sanctions”.
Le conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden, Jake Sullivan, a promis dans un communiqué que Washington “continuerait d’impliquer la communauté internationale pour que les Nations unies prennent des mesures supplémentaires” afin de porter secours à Haïti.
De son côté, l’ambassadeur du Mexique à l’ONU Juan Ramon de la Fuente, dont le pays a également porté la résolution, a prévenu que “le Conseil de sécurité ne resterait pas les bras croisés et agirait contre ceux qui génèrent de la violence dans la rue et contre ceux qui les appuient et les financent”.
Crise multidimensionnelle
Face à la crise multidimensionnelle – sécuritaire, socio-économique, politique, humanitaire et sanitaire – qui meurtrit Haïti, le Conseil de sécurité avait discuté lundi du possible envoi d’une force armée internationale pour permettre à la population de sortir du “cauchemar” – mais aucune décision n’a été prise.
L’ambassadrice américaine à l’ONU Linda Thomas-Greenfield, a réaffirmé que “les Etats-Unis et le Mexique œuvraient à une résolution qui autoriserait (l’envoi) d’une mission internationale non onusienne d’assistance pour la sécurité”.
Cette idée d’une force armée est soutenue par de nombreux membres du Conseil de sécurité, mais d’autres sont réservés, insistant sur les manifestations passées à Haïti contre cette possible intervention étrangère et les ratés des précédentes missions.
Si une telle force “devait être créée, la France y apporterait une contribution par un appui matériel, vraisemblablement”, a déclaré vendredi sa ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, en visite à Washington.
M. Guterres avait jugé plus tôt “la situation absolument dramatique”, notamment en raison du “port bloqué par les gangs qui ne laissent pas sortir le carburant”. Et sans carburant, il n’y a pas d’eau. Et il y a le choléra”, selon le chef de l’ONU.
D’après les derniers chiffres du ministère haïtien de la Santé, il y avait à la date du mercredi 19 octobre 964 cas suspects de choléra dans le pays.
Des Casques bleus sont montrés du doigt pour avoir introduit le choléra dans le pays en 2010, entrainant une épidémie qui a fait plus de 10.000 morts jusqu’en 2019.
Et le retour de la bactérie qui bénéficie des pénuries d’eau potable, faisant quelques dizaines de morts pour l’instant, réveille les craintes d’une nouvelle catastrophe.
nr-af/ube
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