« Chacun d’entre nous doit être formé à repérer des signes de quelqu’un qui ne va pas bien »
Black Immigrant Daily News
Aujourd’hui, à 18 heures, le Conseil territorial de santé mentale organise un webinaire, ouvert à tous, autour du parcours de santé mentale en Martinique. L’occasion notamment de rappeler l’importance de la prévention auprès du grand public.
En quoi est-ce important d’ouvrir cet événement au grand public ?
Dans un premier temps, cela fait partie de la feuille de route qui est régionale mais qui décline les grands axes nationaux. Cela fait également partie d’un document sur lequel nous avons travaillé qui est le projet territorial de santé mentale. Dedans, il y a une volonté de pouvoir expliquer à la population mais aussi de lui permettre de s’approprier non seulement l’approche de ce parcours de santé mentale, mais aussi de s’approprier sa santé. Quand on parle de santé mentale, et on va être plus vulgaire, quand on parle d’un malade psy, cela fait peur. C’est un mot qui fait peur au malade lui-même quand on lui annonce le diagnostic, à l’entourage et même aux soignants qui ne sont pas dans ce domaine de santé.
D’après l’Organisation mondiale de la santé, la santé mentale ne concerne pas uniquement les personnes atteintes de troubles psychiques. Qu’est-ce qu’englobe alors cette expression ?
La santé mentale est un tout, cela concerne le bien-être. C’est se sentir bien là où l’on est, mais aussi pouvoir reconnaître qu’on a des difficultés. On insiste sur les compétences psychosociales, à savoir être bien là où on vit, avec les gens avec qui on vit, y compris avec soi-même. Les troublés liés à la santé mentale peuvent être par exemple la schizophrénie, le suicide, la dépression… Tout y est englobé. On peut être stable un jour et en raison d’un stress par exemple, comme le fait d’être agressé ou de voir quelqu’un tué devant soi, on peut basculer très vite. C’est là qu’on peut se rendre compte qu’on avait peut-être un petit fond dépressif ou un problème qu’on ne connaissait pas.
Un des points principaux qui sera mentionné à l’occasion de ce webinaire est la prévention. Justement, comment prévenir ces possibles troubles ?
La prévention, c’est un dépistage qui passe d’abord par une sensibilisation. Elle peut s’adresser à des parents, des enseignants, des animateurs en périscolaire qui remarquent des comportements qui peuvent interpeller. Plus c’est pris tôt, plus la personne qui rencontre la difficulté pourra s’intégrer dans le milieu ordinaire. Dans la prévention du suicide, cela passe par une formation aux bons gestes que propose notamment ici l’association Tombolo. Chacun d’entre nous doit être formé à repérer des signes de quelqu’un qui ne va pas bien et qui pourrait basculer sur une tentative de suicide. C’est être attentif aux autres tout simplement, et dépister ce qui pourrait être une difficulté.
Possède-t-on des chiffres relatifs à la santé mentale sur notre île ?
On sait que, depuis le début de l’année 2022, on a une vingtaine de suicides répertoriés sur les certificats médicaux. Ce qui est beaucoup pour notre population. Concernant les tentatives de suicide, il y a en a qui viennent à l’hôpital et d’autres qui ne sont pas repérés. Mais il n’y a pas que ça… On travaille beaucoup sur les troubles du comportement avec les équipes de la CTM, de la petite enfance, mais aussi avec les écoles. Beaucoup de programmes sont sortis après le Covid.
Une période Covid qui, comme on le sait, a eu un fort impact sur la santé mentale…
Ici, comme dans l’Hexagone, on a eu une augmentation des chiffres dépressifs à cette période. Deux tranches d’âge ont particulièrement posé problème : les jeunes et, surtout chez nous, les personnes âgées. Les équipes de psychiatrie nous ont alertés à propos de leur détresse. Les seniors souffrent de solitude parce que leurs enfants sont repartis en métropole et ils sont seuls ici. Des personnes âgées ont fait des tentatives de suicide et sont venues aux urgences. C’est un défi majeur. On travaille actuellement avec les équipes de psychiatrie pour développer de plus en plus des équipes mobiles qui vont aller sur le terrain et être à l’écoute.
D’ailleurs cette période a-t-elle amplifié des troubles existants ou les a-t-elle fait surgir ?
Les deux. Le Covid était une période anxiogène pour tout le monde. On a tous eu un passage à vide quelles que soient nos difficultés ou pas avant. Cet impact va rester longtemps et va être à retravailler. Cela passe par des projets d’associations de quartiers, qui sont dans l’accompagnement des jeunes, mais aussi des personnes âgées, pour leur redonner leur place dans la société… Nous avons par exemple été alertés par l’Espace Sud sur le fait que des jeunes aidants, qui ont 15-16 ans, ne vont pas bien et rentrent dans des phases de décrochage, de détresse parce qu’ils sont obligés de devenir aidants de leurs parents.
On sait qu’il y a un manque de moyens en psychiatrie un peu partout en France. Est-ce aussi le cas ici ?
On ne va pas dire qu’on est parfait. Nous développons beaucoup d’équipes mobiles car nous y sommes contraints par le nombre de lits à l’hôpital. Mais les experts s’accordent à dire qu’il faut repérer les personnes dans le milieu où elles se trouvent et intervenir dans le milieu de la crise avant d’aller à l’hôpital. On travaille de façon consensuelle avec le CHMD et un petit peu avec le CHU, mais on œuvre dans le sens d’un centre de santé mentale unique. L’État a tout de même bien réagi depuis les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie en septembre 2021. C’est devenu une priorité nationale à décliner dans les régions. Les financements sont à la hauteur des attentes. On ne peut pas dire qu’on manque d’argent. Notre difficulté porte plus sur le porteur de projet. Pour donner des sommes comme celle-là, il faut des porteurs qui soient habitués. Mais on a beaucoup de bonnes volontés en Martinique.
*Les personnes intéressées par le webinaire peuvent s’y inscrire par téléphone au 0696 83 62 82 ou bien sur la plateforme eventbrite.fr en recherchant l’événement « webinaire parcours santé mentale ».
Des conseils de santé mentale pour être au plus près de la population
Un premier conseil local de santé mentale a été mis en place sur la commune du Lamentin fin 2019. C’est un lieu de concertation et de coordination entre les services de psychiatrie publics, les élus locaux du territoire concerné, les usagers et les aidants dont l’objectif est de définir des politiques locales et des actions permettant l’amélioration de la santé mentale de la population. Deux autres villes devraient mettre le leur en place, à savoir Saint-Joseph et très prochainement Fort-de-France. « Un outil qu’ont les élus pour bien connaître leur population en particulier sur le sujet de la santé mentale, du mal-être », explique la docteure Marie-Laure Audel. Un moyen de mettre en place « des actions pour aller au-devant de ces personnes qui ne vont pas bien ».
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